La Cotonnerie de Lapugnoy
1 : Les Filatures
Une filature est une usine de filage textile industriel.
Dès la révolution industrielle à la fin du XVIIIe siècle, la notion d'usine s'impose. Par opposition à la manufacture (fabrication manuelle), on y utilise des machines en grand nombre. Comme le métier à tisser s'est amélioré techniquement, les usines de tissages prennent le dessus sur les filatures.
On distingue deux types de filatures, la filature cotonnière pour des fibres « courtes » de longueur moyenne de 40 mm et la filature type laine pour les fibres « longues » de longueur moyenne de 80 mm
La filature cotonnière
On distingue deux types de procédés de « filature », le cycle cardé et le cycle peigné (plus cher mais de meilleure qualité). On remarque au passage un faux-ami pour les non-initiés. En effet, le cycle « peigné » comporte quand-même un cardage, mais inclut en plus une opération de peignage.
a Cycle cardé : battage/ouvraison (nettoyage et préparation de la fibre) → chargeuse/peseuse → cardage (parallélisation des fibres) → banc d'étirage (mélange et affinage du ruban) → banc à broches (affinage et torsion de la mèche) → filature → bobinage avec épuration (élimination des défauts).
b Cycle peigné : idem sauf passage supplémentaire sur peigneuse (nettoyage de la fibre et élimination des fibres courtes) et assembleuse (mélange et affinage du ruban).
La filature de Lapugnoy
Endiguée dès le moyen-âge par des moines, la rivière la Clarence a fait l’objet de différents aménagements réalisés au siècle dernier afin d’assurer le fonctionnement de plusieurs moulins
Carte de Cassini on remarque les nombreux moulins sur la Clarence
Extrait Cadastre de 1838 présence de la chute d’eau avec la roue la roue à aubes du Moulin (Archives départementales du Pas de Calais)
La construction de la filature a nécessité de nouveau une modification du cours des eaux (dévié de son tracé originel afin d’alimenter la chute encore présente à proximité immédiate du pont de la rue Cyr Bouchart). Le moulin à coton ou moulin Raoult était en fait la roue qui fournissait l’énergie à l’usine textile, l’une des plus anciennes de la région.
Vers 1850 une filature de coton se construit sur le site de l’ancien moulin en plein centre ville. Elle s’installe au « cayet » (place actuelle de la commune) à proximité de la main d’œuvre
En 1853 RONFORT Jean-Baptiste 38 ans est le directeur de la filature
Alfred LEROY (1837-1901) est Apprenti mécanicien à Lapugnoy chez M. Pruvost (filateur), du 15 mars 1850 au 7 février 1853. Puis Ouvrier mécanicien à la maison Cail de Paris de juillet 1853 à avril 1876il poursuit des études en parallèle de son travail. Il entre en 1872 à la compagnie des mines de Bruay, dont il devient directeur général en 1897 après en avoir gravi tous les échelons. Il est maire de Bruay-en-Artois de 1879 à 1900 et conseiller général du Canton de Houdain
1871 Filature et retordage de coton B. PRUVOST Lapugnoy lez Béthune
En 1878 Auguste JOLY est directeur de la filature
En 1888 les frères PRUVOST sont toujours filateurs à Lapugnoy
En 1896 la filature emploie 300 ouvriers et ouvrières. Le 15 novembre 1896 un incendie détruit la filature
01/01/1900 création de la SARL Cotonnerie de Lapugnoy Administration et bureaux à Paris . Son activité va durer 83 ans.
Les statuts de la société la cotonnière à Lapugnoy sont reçus par Mr DANEL notaire à Béthune . Le Capital social est de 2 000 000 frs divisés en 2000 actions de 1000 frs .
Mr Mathieu MEYER en tant que membre fondateur a 200 actions pour son apport
Sur cette vue aérienne on distingue bien l’alignement parallèle des 24 ateliers couvrant la presque totalité du terrain
En 1913 la société recrute du personnel
En 1913 la cotonnerie vends une machine à vapeur Corliss
Guerre 1914-1918 la filature n’étant pas en zone occupée n’a pas à subir le sort des autres ou les allemands démontent les machines
En 1917 Mr Georges MULLER est directeur du tissage
Métier à tisser automatique, système Northrop, fin XIXe siècle
Au début du XXe siècle, un seul ouvrier peut surveiller plusieurs métiers à tisser simples. Des systèmes automatiques de casse-chaîne et de casse-trame commandent l'arrêt du métier si un fil casse. Le système de l'Américain Northrop, permet également de remplacer la canette épuisée d'une navette sans interrompre la marche du métier.
La marche en continu
Le métier est pourvu d'un système de chargement automatique sur le côté. Les canettes pleines, une vingtaine, sont chargées sur un barillet. Elles se placent l'une après l'autre sur la navette sans que le métier s'arrête. La canette vide est éjectée tandis que le fil de la nouvelle bobine est enfilé directement sur la navette grâce à un oeillet d'enfilage spécial.
Métier à tisser automatique Northrop
L'industrie textile a pu aussi se développer grâce au charbon proche et la proximité de la voie ferrée. La Cotonnière se procure le coton en Egypte
En 1921 Mr Jules MOUGENOT est directeur de la société
En 1926 Mr Jules PETER est le directeur d la société cotonnière de Lapugnoy
En 1931 Mr Jules PETER né à Roppentzwiller (68) le 01/05/1895 est directeur de la société Cotonnière de Lapugnoy appartenant. à Mr Lathan MEYER
C’est son fils Jacques PETER né à Boulogne sur mer en 1924 qui créera la Scierie PETER à Labeuvrière
En 1936 Mr Jules PETER est toujours le directeur
.Les tarifs pratiqués
La société cotonnière de Lapugnoy emploie 195 ouvriers parmi lesquels
une majorité de femmes. Elle utilise des fils de coton expédiés de Lille
par voie ferrée et de plus en plus par camions. Les toiles sont ensuite
renvoyées dans le Nord pour y être traitées et teintes
Les conditions de travail le 20 juin 1923
Grève des femmes à la cotonnière de Lapugnoy en 1947
Dans les années 1950 La Cotonnière fournit de la toile de lin pour l’équipement du soldat
Une turbine mue par la roue à aubes sur la chute d’eau alimente en électricité l’ensemble des bâtiments. Une machine à vapeur alimentée en charbon prolongée d’un axe central fait tourner l’ensemble des métiers à tisser grâce à des courroies.
A la fin des années 60 , l’industrie textile connaît une crise profonde à cause des appareils de production plus modernes et à la concurrence qui se met en place avec d’autre pays
La situation des filatures de coton en plein centre ville, atout en 1850, est devenue un sérieux handicap un siècle plus tard : comment faire manœuvrer d'énormes camions dans les rues étroites ? Comment moderniser l'outil technique dans ce bâtiment ancien ?
1965 faillites en redressement judiciaire président directeur général Mr MEYER Nathan
1967 jugements au tribunal d’Arras
Cadastre de 1971
L'entreprise SOCIETE COTONNIERE DE LAPUGNOY a été fermée le 25 décembre 1984
L’ensemble de la cotonnière est détruit et les débris évacués sauf la maison principale qui devient la mairie de Lapugnoy
Cheminée de la cotonnière en cours de démolition
Les cheminées étaient systématiquement associées aux immenses machines à vapeur qui transformaient le charbon en force motrice pour l'ensemble machines textiles. D'une hauteur de 25 à 40 mètres, elles ont dominé la ville et ses quartiers, servant alors de repères par leur singularité. A travers elles, les patrons exprimaient la fierté de leur réussite par leur hauteur et la richesse de leurs ornements. Devenu valeur de symbole, marqueur d'une identité et hommage à tous ceux qui ont ouvré, elles sont le précieux témoin d'un passé aujourd'hui révolu.
Brochure commerciale d'articles vendus par la Cotonnerie
Draps et taies d'oreillers , nappes et serviettes de tables , torchons à vaisselle , mouchoirs
Sources :
Archives départementales du Pas de Calais
Gravez Andrée. Aspects économiques de la région d' Auchel. In: Revue du Nord, tome 40, n°159, Juillet-septembre 1958
Wikipedia Alfred Leroy
Retronews.fr revue de la presse d’époque
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